mardi 15 juin 2010

après-midi lectures gourmandes et à vos fourneaux


Jacqueline, Jean-Louis, Monique, Marie-Aimée et Véronique nous ont enchanté avec des lectures de Colette, ses gourmandises et surtout son lait d'amande avec une seul goutte d'extrait de rose et son lièvre à la royale déjà cité sur le blog; des recettes gasconnes en vers; de G Coulonges; d'A Dumas et son dictionnaire; de R Antelme et l'extrait de "Espèce humaine": la dégustation, le soir du réveillon d'un simple pain grillé avec un peu de viande haché en camp de concentration et la tartine devient de l'or.

Voici encore trois extraits du Livre de Robert Courteline sur la vraie cuisine française de 1963 et d'A Dumas pour ceux qui ont regretté de m'avoir pu venir Jeudi 10 Juin.

C'est sûre avec des recettes pareilles, on reste ébahi...

"BROCHET LUCULLUS

C’était en 1900, la Belle Epoque! Le dessinateur humoriste Albert Guillaume avait répondu ce qui suit à une enquête gastronomique:
Puisque vous me faites l’honneur de me demander un plat de ma façon, en voici un tout à fait remarquable: je veux vous parler du Brochet Lucullus.
J’en tiens la recette d’un des descendants du grand Vatel, un fossoyeur de Courbevoie, que je rencontrai, il y a quelques années, dans un dîner intime chez mon ami Alfred Picard, le grand homme bien connu, auquel la France reconnaissante doit et devra toujours l’abolition des Expositions Universelles.
Mais revenons à notre brochet.
De même que pour faire un civet, vous prenez un lièvre, pour faire un brochet Lucullus, vous prenez un brochet, mais un brochet vivant, car c’est là l’originalité de cette recette: il s’agit de faire manger par l’animal lui-même tous les ingrédients, condiments, etc… destinés à parfumer sa chair et à la rendre tout à fait délectable.

Vous mettez donc votre brochet en observation dans un vivier d’une contenance d’environ 10 litres d’eau distillée; vous purgez l’animal avec de la magnésie calcinée pendant trois jours consécutifs, une cuillérée à café matin et soir. Il va sans dire que vous changez l’eau chaque fois que la purgation produit son effet.

Ce traitement préliminaire terminé, vous placez le brochet (toujours vivant, bien entendu) dans une poissonnière pouvant contenir un litre d’eau (de Vittel, de préférence), vous ajoutez un gros bouquet de persil, deux poignées de sel, trois pincées de poivre rouge, deux gros oignons découpés, une carotte, deux douzaines de champignons de couche, trois ou quatre tomates et une demi-bouteille d’excellent vin blanc. Le brochet poussé par la faim, ne tardera pas à dévorer les assaisonnements. N’attendez pas qu’il les digère ! Mettez le récipient sur feux doux, couvrez et laisser bouillir pendant une heure au moins.
Assurez que le brochet est bien mort, retirez du feu, laissez refroidir et servir sur un plat long, dit plat à poisson, que vous garnissez de petites barquettes de «mou au vin », surmontée d’un carré de roquefort saupoudré de cannelle. Les petites arêtes se servent généralement à part, dans la sauce mayonnaise; mais pour parer votre plat, vous prenez des petits pois du jour, vous en enfilez cinq ou six à l’aide des grandes arrêtes que vous plantez en rond sur des fonds d’artichauts crus recouverts de sucre en poudre. Pour orner la tête su brochet, vous disposez autour une fraise de veau à la Henri IV, deux gousses d’ail pour le blanc des yeux au centre desquels vous fixez, avec une pointe de seccotine stérilisée, un petit rond de drap noir ou mieux de truffes (si vous en avez les moyens) pour représenter avantageusement la prunelle.
N.B. – Vous pouvez varier à l’infini l’expression des yeux en changeant de place cette prunelle postiche."


"LE PETIT COCHON D’HAREL

En 1830, Harel qui était directeur de l’Odéon avait chez lui, rue Madame, un porcelet qu’il aimait tant qu’il en avait fait son compagnon de chambre. Fait curieux, dans la même maison, demeuraient l’écrivain Jules Janin (lequel) avait une chèvre), l’actrice Mademoiselle Georges et son matou et J. de la Salle qui possédait un roquet. Tous trois se plaignaient des grognements du cochon d’Harel et, un jour que celui-ci était en voyage, d’un commun accord ils le tuèrent.
Harel rentra le surlendemain comme ils étaient à table, chez Janin, devant un tas de charcutailles. Cela sent bien bon, dit Harel en s’attablant avec ses amis. Tout de même, comme après le boudin, les saucisses, etc… on sert un magnifique rôti de porc, notre homme s’étonne...
Il faut lui avouer le meurtre. Alors, hochant la tête, Harel déclara :
- Pauvre bête. Vraiment je l’aimais bien. Mais jamais elle ne m’a fait autant de plaisir qu’aujourd’hui."

Du dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas

« Le Rôti à l’impératrice

Le cochon à la troyenne, à l’intérieur duquel on fait entrer des becfigues, des huître, des grives, le tout en quantité et arrosé de bon vin et de jus exquis et que le sénat romain fut obligé de défendre par une loi somptuaire à cause de sa cherté, doit cependant céder le pas à ce plantureux rôti dont la recette suit :
On ôte le noyau d’une olive, on le remplace par un filet d’anchois ; le fruit ainsi bourré se met dans une mauviette, laquelle à son tour entre dans une caille que renfermera une perdrix qui devra se cacher dans les flancs d’un faisan...
Le faisan disparaîtra à son tour dans le sein d’une vaste dinde, dont un cochon de lait deviendra la retraite ; on fera rôtir le tout, et le tout bien rôti vous offrira pour résultat la quintessence de l’art culinaire, le chef d’œuvre de l’art gastronomique. Ne croyez pas cependant que ce mets doive servir en entier; les gourmands ne mangent que l’olive et le filet d’anchois, et cette olive ne revient pas moins qu’à 500 francs »

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