vendredi 1 février 2013

Art Street: la rue est leur atelier

Souvent considérés comme des moutons noirs de l'art contemporain, les adeptes du graffiti moderne rivalisent aujourd'hui en notoriété du chevalet.  Voilà un article intéressant d'Olivier CABRERA que j'ai reproduit du tout nouveau "Magazine  Livre" ou "Mag Book" WE Demain que je vous propose de venir lire à la bibliothèque. Nous avons également les M-OOK "Feuilleton" et la fameuse et prestigieuse revue "XXI" qui vient justement de sortir son N°21 et qui intéresse beaucoup par ses articles de fond, écrits par de vrais journalistes et non pas les beni oui oui des people ou des politiques!!!!

De New-york à Paris, de Sao Paulo à Londres et jusqu'à Lavardac  en prévision de notre présentation d'oeuvres de graffiti à la bibliothèque, j'ai profité de mon séjour parisien pour visiter le musée de la poste, boulevard Vaugirard qui vaut largement le détour par sa présentation humoristique de l'histoire des missives. Leur exposition du 28 novembre au 30 mars "Au-delà du street Art" rencontre un vif succès et offre une plongée dans les onze productions urbaines d'artistes qui transgressent les normes et engagent les spectateurs à se questionner sur notre quotidien étouffant. Des pochoirs, des pixels, des découpages, des aérosols, au burin, il y en avait pour tous les goûts, chacun son style et chacun son support: trottoirs, murs, palissades en bois et aujourd'hui les musées et les galeries.

Les 70 oeuvres Love the Rat de Banksy, suivre les pixels dans Paris de Space Invader, Boîtes aux lettres portraits de C215, critique de notre société qui veut effacer les SDF de Dran, Poésies grinçantes de Miss.Tic, Insectes géants de Ludo, Labyrinthes de L'Atlas, Sans titre de Rero, Dénonciation des pubs de Shepard Fairey, Pyramide découpée sur Los Angeles de Swoon, Visages dans la pierre de Vhils vous coupent le souffle par leurs diversités..

Article d'Olivier Cabrera : "Un petit homme en noir prend sous son bras la barre blanche d'un sens interdit ou se trouve crucifié sur une voie sans issue. Clet ABRAHAM was here (Clet Abraham était là) La dernière fois que vous avez levé les yeux à Panama, Quimper ou à Rome, votre regard a peut-être croisé le petit bonhomme autocollant de ce sculpteur breton, qui s'amuse à détourner les panneaux de signalisation. Humour, à-propos, évidence du trait, urgence, mystère, économie de moyens, provocation: sans faire de bruit, Clet revient à l'essence même du street art. à tout juste 45 ans. L'âge du graffiti moderne. Comme BANKSY, la star anglaise, comme le français ZEVS qui liquide les logos des grandes marques, comme un autre français JR qui affiche surtout la planète ses gigantesques portraits en noir et blanc de délaissés, comme des milliers de street artistes ABRAHAM se réapproprie l'espace public. "le street art est politique parce qu'il apparaît dans l'espace public - polit la ville" explique l'historien et critique d'art Paul Ardenne. Mais, au départ, au temps des premiers graffitis il n'avait pas de revendications politiques. C'était d'abord un art de la signature, de l'apparition, avant d'être un art de la dissidence" Samantha LONGHI, rédactrice en chef du trimestriel Graffiti art renchérit "le message n'est pas obligatoire, c'est l'action qui prime, aujourd'hui le street artiste est une personne qui occupe l'espace public avec une réflexion in situ, faisant une corrélation entre le lieu, l'espace et l'oeuvre." Art rupestre ou pariétal à la préhistoire, dazibaos (affiche journal) de la CHINE impériale, muralisme propagandiste, il y a un siècle: les origines du street art sont multiples.... L'homme bien plus que la femme d'ailleurs- aime imprimer une marque. Mais c'est à partir des années 1960 que naît le graffiti moderne, terreau du street art. Tout a commencé aux Etats-Unis, en 1967, dit l'histoire officielle. Avec le graffiti d'un certain Darryl McCRAY, alias Cornbread, qui cria son amour à sa belle enfuie en taguant murs, bus, trains et voitures de police de sa ville natale de Philadelphie.. L'année même où les rues de plusieurs dizaines de villes américaines s'embrasent à cause de violentes émeutes raciales et de gigantesques manifestations contre la guerre du VIETNAM. Ces villes vont bientôt devenir le théâtre d'une nouvelle génération d'artistes qui s'ignorent encore. Des exclus pour la plupart, qui ont un profond désir d'exister aux yeux des autres" selon l'écrivain Norman MAILER. Il se découvrent alors une arme d'intervention massive: la bombe de peinture en version 400 ml, légère, pas chère, d'une efficacité redoutable. Pendant que les américains napalment les vietcongs, les graveurs bombardent les murs les mieux exposés. Les rues comme champ de bataille, la ville comme musée à ciel ouvert et gratuit. Portée par un même désir, cette "insurrection par les signes" théorisée par Jean Baudrillard va se diffuser dans un monde entier comme une traînée de poudre. Le street art ne s'arrêtera plus de redécouvrir nos cités, sans se demander où commence la liberté ou le bon goût des autres. Il va devenir, peu à peu, le mouton noir de l'art contemporain, mais aussi un veau d'or, à l'occasion, quand Jean-Michel BASQUIAT ou Keith HARING par exemple, quitteront la rue pour triompher dans les galeries les plus prisées. "La critique officielle considère toujours le street art avec beaucoup de mépris de condescendance" rappelle Paul Ardenne. Comme un sale gosse qui va et vient entre ghettos de pauvres et des riches pour bomber, érafler, afficher, détourner dans l'urgence et presque toujours dans le grande secret. Ainsi, le plus grand artiste anglais actuel que Damien HIRST nous pardonne il n'a pas  de visage. Il se fait appeler BANKSY et est street artiste. Drôle, engagé et révélé dans la rue, il est de plus en plus chéri par les collectionneurs. Comme la plupart de ses congénères, BANKSY joue les fantômes en entretenant  minutieusement sa légende. Encore fraîche, elle a déjà nourri plusieurs livres et un film, "faites le mur! nominé aux oscar 2011 dans la catégorie meilleur documentaire. BANKSY s'appellerait Robert Banks  ou tiendrait son pseudo du gardien de football anglais, Gordon Banks. Il serait né, il y a 37 ans à quelques kilomètres de Bristol. Fils d'un vendeur de photocopieurs et d'une infirmière, il aurait, dit-on, commencé à graffer dans la rue en France, à l'occasion d'un échange scolaire. Il reconnaît ne pas exceller à la bombe, à laquelle il préfère le pochoir. BANKSY se distingue par un humour décapant, voire satirique. Il met en scène des rats anar, des singes pacifistes, des émeutiers jetant des bouquets de fleurs.... "Le graffiti est une réaction proportionnée aux objectifs d'une société obsédée par la notoriété, qui cherche perpétuellement à vendre l'inaccessible" affirme-t-il. En moins de dix an, il est devenu le street artiste le plus coté du marché. Capable de vendre un de ses pochoirs-Keep it spotless - 1.2 million de dollars chez Sotheby's à New York, en février 2008. Ou d'attirer 300 000 visiteurs à une exposition au Bristol museum au printemps 2009. Un événement intégralement préparé par mail. Le jour de l'inauguration; on dit qu'il s'était réfugié dans un bar de la Nouvelle Orléans! " son travail est grinçant et donne toujours à réfléchir,"  analyse Samantha Longhi. Ses Sérigraphies et ses oeuvres se vendent à des prix d'or, mais il continue à prôner le copyleft (copie autorisée) à organiser des événements comme le santa's ghetto ( peintures sur le mur entre Israël et la ¨Palestine)" " Ses détracteurs - il n'en manque pas - commencent pourtant à lui trouver des airs de faux rebelle. De dissident trop bien installé de copie de lui-même qui profiterait du système qu'ol dénonce, et qui s'amuserait désormais à s'afficher sur des volets ou des portes faciles à demonter pour être vendus. Ils voudraient bien l'ériger en preuve vivante de la banalisation du street art. Depuis les années 1960, les Merlins des rues ont essuyé quantité de formules pour enchanter vos villes. Et leur art a muté. le bombing des débuts leur permet de signer leur pseudo, de proclamer leur identité et donc leur altérité.( reconnaissance des autres différents) Peu à peu, ils rodent différentes catégories stylistiques: le lettrage, la couleur, puis la dimension. Plus que le contemporain, l'art de la rue est un art corporel et fortement agonistique ( comportement agonistique poils hérissés): qui va tager le plus vite, le plus grand, le plus haut? souligne Paul ARDENNE. après avoir accumulé des millions de couches de peinture, les "bombeurs" ont laissé une place aux adeptes du cleaning. Armés de kärcher, ils dessinent dans la crasse et la suie accumulées dans les tunnel notamment. Comme le brésilien Alexandre ORION et son projet OSSARIO dans les tunnels de SAO PAULO. Les graffeurs baignés par la culture vidéo et web déclinent aussi la technique du stop motion pour réaliser des "dessins animés" ultragraphiques. Désormais, le street art se fait également participatif ( comme en témoigne l'Inside out projet de JR, humanitaire (l'américain BNE a par exemple décliné sa " marque" au profit de sa fondation pour l'eau sur bnewater.org) ou encore non salissant (les nouvelles formes de ligtpainting et des projections vidéo des hollandais  de PIPS: lab). J'aime bien aussi le street knitting (emballage du mobilier urbain avec e la laine tricoté (ndlr) encore méconnu en FRANCE avec des artistes comme OLEK ou le collectif CFT ajoute Samantha LONGHI, mais aussi la sculpture telle que la pratique l'américain Mark JENKINS ou encore la façon dont le peintre américain Dan WITZ sincère dans 'espace public en utilisant le concept de détournement"
A force de muter, le street art a-t-il encore des formes à essayer et des messages à envoyer? L'historien Paul ARDENNE nous l'annonce " il a fait sa révolution, donc le tour de la question de la forme, il n'y a plus d'inédit" Il est en quelque sorte passé par tout et partout. Il a redécouvert la totalité des grandes villes du monde rappelle encore Paul ARDENNE on l'a tellement vu qu'on le voit moins il est moins magnétique." Moins magnétique mais toujours aussi passionnant parce que depuis les origines, il s'adapte. Le contexte, toujours le contexte. Il s'adapte à la nouvelle architecture urbaine, qui donne la primauté aux parois de verre plutôt qu'aux murs de briques. Les surfaces disponibles sont plus rares. Il s'adapte aussi à la police de plus en plus répressive." De nombreux artistes renoncent d'ailleurs à travailler dans la rue, à en croire Paul ARDENNE. Ils font du street art d'atelier. " Mais les purs et durs n'en ont cure, quitte à payer de lourdes amendes ou même à finir en prison. Ainsi l'été dernier, alors que le musée d'art contemporain de LOS ANGELES (MoCa) organisait l'exposition Art in the street, deux des plus célèbres street artistes, l'américain REVOK et le français Space INVADER, exposés au MoCa ont été arrêtés par la police californienne. "La répression policière ne devrait être un frein en 2012, assure cependant Samantha LONGHI. Il faut avoir le courage de ses idées et les assumer en plein jour." Le Street art s'adapte enfin à la marchandisation de la société. Sans forcement se compromettre. " C'est juste du business, ironise Paul ARDENNE. Une sorte de romantisme affirme qu'il serait dégradant pour un street artiste de gagner de l'argent pour ce qu'il fait, le commerce serait le mal et la vérité serait dans la rue. C'est une connerie, ce n'est pas parce que BANKSY vend très cher qu'il ne peut plus s'exprimer comme il en a envie ou alors il faut abolir le système dans lequel on vit. Le street art n'est plus un art de la sédition, sauf pour quelques gamins qui veulent se donner des sensations Ce qui n'empêche pas que les contenus restent intéréssants et seront toujours différents, parce qu'ils sont contextuels. Et pourrait-on ajouter, bourrés d'humour et d'énergie. Dans une société vouée au catastrophisme permanent, dirigée par des plaintifs professionnels, conclut Paul ARDENNE, le street art transforme de l'énergie active en énergie visuelle c'est passionnant et régénérant."

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